Laine Jean-Daniel, L'Oiseau et la bille, illustrations de Régis Lejonc, éditions L'Edune, 2006, 44 p., 12€80
(publié dans une collection pour les premiers lecteurs, l'album peut être proposé jusqu'à la dixième année).
Le récit de Lainé est porté par une narration à la première personne, celle d'un enfant (fille ou garçon) atteint d'une tumeur au cerveau. L'album s'adresse à tout enfant.
L'histoire repose sur une alternance entre la vie de la journée de l'enfant, étendu sous un arbre une journée ensoleillée, et le guet d'une chatte non loin d'un oiseau imprudent, à quelques mètres d'elle. L'enfant regarde la chatte qui regarde l'oiseau. Voilà la situation, structurée par ce jeu de regards avec, pour tension dramatique, la menace qui pèse sur l'oiseau. Mais, ce dédoublement du récit permet d'opérer une médiation avec la parole sur le cancer dont est atteint l'enfant. Celui-ci nous conte son histoire au présent. Surviennent aussi des souvenirs de la maladie, de sa survenue, des rapports familiaux qui s'en sont suivi, du quotidien qui a changé.
Le récit est remarquablement traduit par l'œuvre graphique de Régis Lejonc qui effectue une narration au trait et à la couleur qui colle à l'histoire, la sert, soulignant ses tensions sans noyer l'âpreté du propos.
Cette structure en alternance est redoublée par le choix des dominantes de couleurs des double-pages.
Le travail éditorial est aussi un apport à l'histoire, par des touches simples comme ces pages de garde, les premières vertes et les dernières bleues, pareilles au ciel de la fin du récit. Espoir ? Sursis, en tout cas, puisque l'oiseau s'est envolé, l'enfant ayant trouvé la force d'un cri pour le (donc se) sauver. Cette fin nous rappelle cette phrase d'un enfant de 10 ans : "Ce n'est pas vivre longtemps qui compte, c'est vivre fort" (1). Elle est l'occasion, aussi, de rappeler que trois enfants sur quatre guérissent de cancers.
Si le livre peut sembler prioritairement destiné à des enfants malades, il s’adresse, tout aussi bien, à tout le jeune lectorat. Les enfants se soucient de la mort et un discours de vérité sur elle est nécessité pour ne pas créer des fragilités chez l'enfant. Et c'est le choix de l'auteur dont c'est le premier ouvrage publié. Louons, aussi, un autre choix, celui de ne pas multiplier les références érudites. Seul Le Petit Prince de Saint-Exupéry apparaît avec l'allusion –sortie du texte pour être réintroduite au niveau de l'illustration- à la citation "on n'y voit bien qu'avec le cœur".
(1) cité par Hélène Voisin dans le numéro 99/100 de Thanatologie, de décembre 1994 p.136
GOMI Taro, Monsieur Squelette, Gallimard Jeunesse, collection "Album", 2006, 40 p., 12€
De 4 à 8 ans et plus.
Ce livre est un chef d'œuvre. Le graphisme de Taro Gomi, un des plus grands créateurs japonais contemporains, est exceptionnel. La situation initiale du récit est absurde : un squelette se réveille en sursaut avec le sentiment cauchemardesque d'avoir oublié quelque chose, mais quoi ? Et voilà notre squelette déambulant dans la ville et à la campagne à la recherche de son oubli. Alors, il tente de se souvenir, s'aidant de ses rencontres. Mais chacune tourne court, selon une symétrie de construction qui amène peu à peu à lire l'album à la manière d'une comptine. Evidemment, ce mort rendu à la nudité de son squelette à la recherche de l'oubli crée des situations cocasses. En fait, ce sont ses dents qu'il a oubliées. L'avant dernière image nous le présente se lavant les dents.
Les couleurs en aplats sont douces bien que nettement contrastées et surtout, le support crée un effet de matière qui rend l'image particulièrement attrayante. Même si Taro Gomi privilégie les formes géométriques, l'univers reste accueillant. Un livre remarquable.
(publié dans une collection pour les premiers lecteurs, l'album peut être proposé jusqu'à la dixième année).
Le récit de Lainé est porté par une narration à la première personne, celle d'un enfant (fille ou garçon) atteint d'une tumeur au cerveau. L'album s'adresse à tout enfant.
L'histoire repose sur une alternance entre la vie de la journée de l'enfant, étendu sous un arbre une journée ensoleillée, et le guet d'une chatte non loin d'un oiseau imprudent, à quelques mètres d'elle. L'enfant regarde la chatte qui regarde l'oiseau. Voilà la situation, structurée par ce jeu de regards avec, pour tension dramatique, la menace qui pèse sur l'oiseau. Mais, ce dédoublement du récit permet d'opérer une médiation avec la parole sur le cancer dont est atteint l'enfant. Celui-ci nous conte son histoire au présent. Surviennent aussi des souvenirs de la maladie, de sa survenue, des rapports familiaux qui s'en sont suivi, du quotidien qui a changé.
Le récit est remarquablement traduit par l'œuvre graphique de Régis Lejonc qui effectue une narration au trait et à la couleur qui colle à l'histoire, la sert, soulignant ses tensions sans noyer l'âpreté du propos.
Cette structure en alternance est redoublée par le choix des dominantes de couleurs des double-pages.
Le travail éditorial est aussi un apport à l'histoire, par des touches simples comme ces pages de garde, les premières vertes et les dernières bleues, pareilles au ciel de la fin du récit. Espoir ? Sursis, en tout cas, puisque l'oiseau s'est envolé, l'enfant ayant trouvé la force d'un cri pour le (donc se) sauver. Cette fin nous rappelle cette phrase d'un enfant de 10 ans : "Ce n'est pas vivre longtemps qui compte, c'est vivre fort" (1). Elle est l'occasion, aussi, de rappeler que trois enfants sur quatre guérissent de cancers.
Si le livre peut sembler prioritairement destiné à des enfants malades, il s’adresse, tout aussi bien, à tout le jeune lectorat. Les enfants se soucient de la mort et un discours de vérité sur elle est nécessité pour ne pas créer des fragilités chez l'enfant. Et c'est le choix de l'auteur dont c'est le premier ouvrage publié. Louons, aussi, un autre choix, celui de ne pas multiplier les références érudites. Seul Le Petit Prince de Saint-Exupéry apparaît avec l'allusion –sortie du texte pour être réintroduite au niveau de l'illustration- à la citation "on n'y voit bien qu'avec le cœur".
(1) cité par Hélène Voisin dans le numéro 99/100 de Thanatologie, de décembre 1994 p.136
GOMI Taro, Monsieur Squelette, Gallimard Jeunesse, collection "Album", 2006, 40 p., 12€
De 4 à 8 ans et plus.
Ce livre est un chef d'œuvre. Le graphisme de Taro Gomi, un des plus grands créateurs japonais contemporains, est exceptionnel. La situation initiale du récit est absurde : un squelette se réveille en sursaut avec le sentiment cauchemardesque d'avoir oublié quelque chose, mais quoi ? Et voilà notre squelette déambulant dans la ville et à la campagne à la recherche de son oubli. Alors, il tente de se souvenir, s'aidant de ses rencontres. Mais chacune tourne court, selon une symétrie de construction qui amène peu à peu à lire l'album à la manière d'une comptine. Evidemment, ce mort rendu à la nudité de son squelette à la recherche de l'oubli crée des situations cocasses. En fait, ce sont ses dents qu'il a oubliées. L'avant dernière image nous le présente se lavant les dents.
Les couleurs en aplats sont douces bien que nettement contrastées et surtout, le support crée un effet de matière qui rend l'image particulièrement attrayante. Même si Taro Gomi privilégie les formes géométriques, l'univers reste accueillant. Un livre remarquable.
Ph. G.