Anachroniques

29/07/2012

L’esclavage, racine de l’exploitation

Davy Pierre, De l’autre côté du soleil, Nathan, collection histoire, 2011, 222 p. 5€50
Voici un bon roman historique. On est en Afrique, au dix-huitième siècle, vers 1750. Un jeune berger peuhl laisse boire son troupeau de chèvres à la source d’Aïn Kala, ce qui est interdit car elle appartient au peuple ennemi des Toucouleurs. Ensuite il rencontre Vanidia, une jeune fille vendue par les colons à une tribu des Toucouleurs. C’est donc une esclave. Pour lui rendre sa liberté, Traoré décide de fuir avec elle. Mais, le lendemain, jour prévu de la fuite, Vanidia n’est pas là. Traoré se lance à sa recherche.
Sa quête amène le lecteur à suivre les pérégrinations humiliantes des noirs vendus par leurs propres peuples aux colons pour devenir des esclaves dans des contrées lointaines par delà l’océan. C’est d’abord le long périple à travers la savane jusqu’au bateau négrier. Puis c’est la traversée de l’océan, dans un navire faisant le commerce du bois d’ébène. Enfin, c’est la vie en Guadeloupe, le travail harassant dans les plantations de cannes à sucre, les tortures, les sanctions, les conditions inhumaines de vie, l’imposition de la religion chrétienne, la séparation des esclaves d’une même famille ou proches.
Le dispositif narratif est très intéressant : un récit à la troisième personne narre les aventures de Traoré et de sa recherche de Vanidia. Un carnet de De Kerven, chirurgien à bord d’un bateau négrier, donne le point de vue des blancs et des colonisateurs et esclavagistes. L’alternance mêle les deux points de vue jusqu’au drame final.
Le roman explicite l’impossible conciliation des deux points de vue et c’est suffisamment rare pour être souligné. Davy ne tombe pas dans le grotesque humanitariste qui accable la littérature de jeunesse sur ce genre de thème. L’auteur s’efforce, au contraire, de montrer comment les deux populations –la blanche et la noire, celle qui parle une langue d’Europe et celle qui parle le créole– sont séparées par les actes et les événements qui les ont liées. Ce n’est pas le fait d’être ensemble qui doit guider les rapports sociaux comme veut imposer de le croire le citoyennisme et l’idéologie des droits de l’homme, mais ce sont les modalités des mises en relation qui déterminent les rapports sociaux. Les thèmes de la liberté, de la libération, celui de la dignité humaine y puisent leur sens contre l’assujettissement dont le citoyennisme n’est qu’un des nombreux vecteurs pour notre société contemporaine.
Le roman de Davy, très bien documenté, au dispositif narratif heureux et qui n’use de la première personne que pour le représentant des européens, colonisateurs français, permet d’ouvrir le jeune lectorat à la compréhension historique de l’esclavage comme forme particulière de l’exploitation.
Commission Lisez Jeunesse & Philippe Geneste

22/07/2012

Des animaux

Mon Premier livre des Bébés animaux, Rouge & Or, 2012, 96 p. 6€90
Le chiot, le hamster, le cochon d’Inde, le chaton, le lapereau, les oisillons, le porcelet, le poulain, le caneton, le veau, le chevreau, l’agneau, le marcassin, le faon, l’ourson, la chouette, le renardeau, le raton laveur, l’écureuil, le koala, le gorille, le tigre, le panda, l’éléphanteau, le lionceau, l’hippopotame, la panthère, la girafe, le rhinocéros, le zèbre, l’antilope, le kangourou, le guépard, l’hippocampe, la loutre, la tortue, le lionceau des mers, le dauphin, la panthère des neiges, le manchot, l’ourson polaire, le phoque, le singe des neiges, le louveteau arctique, voici dans l’ordre les animaux photographiés et présentés par un court texte sur al page en vis-à-vis. A chaque animal est associée une onomatopée et on ne comprend pas pourquoi. En effet, parfois c’est le cri de l’animal qui est rappelé, parfois c’est un bruit fait par cet animal, parfois c’est le bruit de son pas, parfois c’est une onomatopée très interprétative des auteurs. Ceci dit, les enfants, dès 3 ans aiment ce genre d’ouvrage généreux avec les gros plans des animaux.

Le Renard, illustrations de Sylvaine Peyrols, Gallimard jeunesse, Mes premières découvertes, 2010, 24 p. 8€
C’est la collection aux pages transparentes qui doublent la richesse de lecture. On y côtoie des connaissances zoologiques, un peu d’éthologie, on se hasarde dans la forêt, la nuit. Un peu de classification animale, et le livre se referme, avec une grande cueillette de connaissances et des images plein la tête du compère des histoires anciennes.

Les Animaux disparus, illustré par Ute Fuhr et Raoul Sautaï, Gallimard jeunesse, Mes premières découvertes, 2010, 24 p. 8€
On s’enfonce dans le cours des âges pour une petite leçon d’évolutionnisme en quête de nombreux animaux disparus. On se fixe un instant sur le premier oiseau, l’archéoptéryx, on y apprend que les oiseaux actuels sont les derniers descendants des dinosaures. On croise le mammouth et l’auroch, le castor géant de la taille d’un ours brun, le moa d’Australie, le dodo de l’île Maurice. Le livre est entrecoupé d’images sombres que le jeune lecteur va découvrir avec une lanterne magique. Bref, c’est un régal de lecture, une somme de connaissances donnée de manière gourmande.

Krings Anton, Ecoutez chanter les drôles de petits oiseaux, Gallimard jeunesse, Giboulées, 2011, nichoir + livre sonore de 16 p. + 6 cartes, 15€70
Le livre sonore fait entendre le cri de chacun des six oiseaux du jardin (la mésange qui zinzinule, le merle siffle … Un mobile est à fabriquer avec les cartes à l’effigie des oiseaux pré-imprimés recto-verso, percées d’un petit trou, enfin un nichoir en carton que l’on peut accrocher au mur de la chambre.

Baussier Sylvie, Animagic. Le Livre animé des animaux magiciens, illustré par Laurence Bar, Milan, 2011, 32 p. cartonnées avec animation, 21€90
La chenille qui se transforme en papillon, le lézard basilic qui court sur l’eau, la crèche du crocodile du Nil dans la gueule de la mère ou du père, la plie qui disparaît de la vue sur le sable, l’étrange méduse, l’hétérodon, ce serpent qui joue les morts vivants, les larves jusqu’à la mort (l’axolotl) et ces animaux dont les membres repoussent voire qui s’en débarrassent pour fuir leurs prédateurs, les animaux électriques, les phénomènes de bioluminescence, qui équipes des espèces à 4000 mètres de profondeur, les empuanteurs, le gerris, randonneur des surfaces aquatiques, ces animaux qui se cachent dans des boîtes (bernard-l’ermite, phrygane, tatou, les top modèle de la beauté (paons, paradisier, … Bref, ce livre est un régal absolu, une mine d’informations et d’explications, une invitation à la recherche, à l’approfondissement des sujets traités, un stimulateur de curiosité. Un très beau livre cadeau, un très bon libre documentaire.

Rol Arnaud, Animalia. Voyage au pays animé des animaux, illustré par Hélène Rajcak, Milan, collection Petite enfance, 2012, 18 p. + 6 pop-up et flaps  21€90
Voici six dioramas richement illustrés dans des pages qui s’animent. La couverture cartonnée, le titre en relief, la tonalité naturaliste des illustrations très dix-neuviémistes, emmènent le lectorat au cœur de milieux naturels sauvages. Le livre en format italien s’ouvre sur la forêt tempérée, puis se succèdent : la montagne, la forêt amazonienne, la savane, la banquise, le récif corallien. Un texte introduit le diorama, présentant milieu et animaux. Une carte permet de se repérer géographiquement. Dans le décor, l’enfant découvrira en soulevant des volets des animaux et des lieux dissimulés. La connaissance étant le fruit de la curiosité, ce livre atteint son but documentaire de connaissances explicatives ou d’informations. Un très beau livre qui souligne combien la littérature de jeunesse sait, aussi, souvent, combler les bibliophiles.

Starosta Paul, L’Abeille, illustrations de Maximiliano Luchini, éditions Milan, collection Docàpattes, 2012, 32 p. 11€50 ; Vanier Diane et Nicolas, Les Loups, éditions Milan, collection Docàpattes, photos additionnelles de l’agence Biosphoto, illustrations de Bruno Liance, 2012, 32 p. 11€50
Les auteurs sont aussi les auteurs des photos qui illustrent chaque ouvrage. Ce dernier est composé par doubles pages. Pour le loup : l’origine, la tribu familiale, le territoire, le langage, la reproduction, l’anatomie, La chasse, la loi de la tribu des loups, les croisements dans la domestication, les sous-espèces et les faux cousins. Pour l’abeille : l’habitat, la reproduction, la colonie, l’anatomie, l’organisation et les lois intangibles de la colonie, les prédateurs, les sous-espèces et fausses cousines et faux cousins, l’apiculture.
On le voit, chaque ouvrage relève de la démarche naturaliste et ne suit pas le même plan. C’est un gage de richesse pour cette collection nouvelle de chez Milan. L’éditeur l’adresse aux enfants dès cinq ans : c’est bien jeune. Il serait mieux d’attendre 7 ans afin que l’enfant puisse, par lui-même, fouiller le livre, tirer les languettes, déplier les animations. En tout cas, c’est là deux excellents documentaires pour le jeune lectorat. 
Geneste Philippe

09/07/2012

Du langage et des contes

    Du langage…
Klassen Jon, Je veux mon chapeau, adaptation française de Jacqueline Odin, Milan, 2012, 40 p. 12€20
Cet album canadien, pour les 4/7 ans, conte une histoire animalière, celle d’un ours qui a perdu son chapeau. Les illustrations sombres se succèdent au cours des doubles pages qui marquent une péripétie autant qu’une rencontre. Le texte est laconique, les dialogues rendus par une différence de couleurs dans les répliques. La structure épouse une mise en abyme puisque si l’ours retrouve son chapeau, en revanche, l’écureuil qui recherche le lapin au chapeau pointu arrive et demande à l’ours : « tu n’aurais pas vu un lapin coiffé d’un chapeau ? » Ce à quoi l’ours répond par la négative… Et voilà l’écureuil lancé dans une quête qu’on devine. Le vol, le mensonge, sont au cœur de cet album que couleurs et texte teintent de mélancolie. Celle-ci s’installe au fil de l’histoire et la disparition du lapin, probablement écrasé sous les fesses de l’ours, rappelle que le monde n’est pas une sinécure. On serait tenté d’y voir un conte moraliste qui aurait pour viser de mettre en garde les enfants contre les valeurs de la propriété et à se méfier du langage qui maquille en vérité d’évidence ce qui n’est que fausseté par intérêt individuel. 

Scott Linda, Mon Letters book, Nathan, 2012, 144 p. 15€50
Evidemment, on regrette le titre anglais maintenu sans raison par les éditeurs ! Mais il serait dommage de passer à côté de l’œuvre de Linda Scott qui propose aux enfants à partir de 8 ans, comme à toute personne intéressée, un manuel d’apprentissage d’écritures des lettres plus âgés. A l’heure où la calligraphie a disparu et où les écritures manuscrites s’enfoncent dans une chaotique quête d’elles-mêmes sans support et sans guide, ce livre est une aubaine, en même temps qu’une offrande à chacun et chacune pour s’enrichir d’une écriture propre.

… et des contes

Kochka, Peau d’âne, d’après Charles Perrault, illustré par Charlotte Gastaut, Père Castor, 2012, 32 p. 13€
Aucun lecteur ne pourra croiser cet album sans marquer un temps d’arrêt, le prendre en main, attiré par une couverture luxuriante, et le feuilleter. La beauté des illustrations émerveille : dessins et peintures portent Peau d’Âne dans le merveilleux. Pourtant, l’analyse de l’adaptation achevée, nous aurons des objections majeures à cet album. Tout d’abord, Kochka élimine du conte toute l’inquiétante étrangeté et le fond d’horreur que ses versions issus du riche folklore renferment assez systématiquement. Certes, il est bien dit par la fée que « Une fille ne doit pas épouser son père », mais la situation d’inceste désiré par le père ne sert qu’à couvrir la fuite alors qu’elle est, nous semble-t-il, à l’origine de la noirceur des paysages traversés et des cruautés endurées. Une conséquence est que Kochka élimine et la dimension historique du conte et sa profondeur mythique.
Seule l’illustratrice, rapproche le conte de la source sanscrite où la nuit joue un rôle prépondérant. Gastaut souligne aussi la nature d’aurore de l’héroïne, être de lumière et du soleil qui reconquerra sa place radieuse de princesse.
Mais c’est éliminer l’intertextualité qui fait de Peau d’Âne la victime du temps qui dévore ses propres créatures, du père un ogre, soit un homme sauvage qui mangeait les petits enfants. Cette intertextualité-ci, le motif de l’âne et de la pantoufle en moins, rapprochent Peau d’Âne de Cendrillon et leur héroïne d’une héroïne du temps des carnavals, une reine de Carnaval, « personnification de la nouvelle année » (Pierre Saintyves, Les Contes de Perrault (…), Paris, Robert Laffont, 1987, 1192 p. – p.175). Saintyves conclut : « Tous les épisodes de notre conte s’expliquent donc parfaitement dans l’hypothèse d’un mariage rituel de la jeune année, d’abord déguisée en vieille et traitée comme telle, avec le soleil nouveau ou la jeune saison. L’anneau lui-même n’unissait pas seulement deux jouvenceaux, mais la terre et le ciel, liant la fortune de notre globe à celle du soleil dont l’image pouvait même être gravée sur le chaton » (ibid. p.184).
Bien sûr, il ne s’agit pas de demander à un album de retracer l’historique interprétatif d’un conte. En revanche, on en peut que regretter que Kochka ait choisi la modalité de la troncation en lieu et place d’une adaptation car, au final, c’est une bonne part de la richesse du texte qui est perdue. L’illustration, pour exceptionnelle soit-elle, n’en demeure pas moins tributaire de la troncation opérée par le texte et se voit contrainte de ne présenter qu’un versant, le lumineux d’une histoire bien plus complexe. 

Muzi Jean, Contes d’Afrique, illustrations de Sébastien Pelon, Père-Castor / Flammarion, 2011, 62 p. 13€
Sénégal, Kenya, Congo, Nigéria, Burkina, Centrafrique, Soudan, Tanzanie, Cameroun, Ouganda, Bénin, Mali, Tchad, Niger, Guinée, sont présents dans ce florilège, remarquablement illustrés par Sébastien Pelon, conçu par Jean Muzzi, un français d’origine Marocaine.
Solidarité, rancune, origine merveilleuse des animaux, origine des habitudes de vie, ruse et intelligence, égoïsme, la puissance de l’humour, la mort, le lien paternel, le lien maternel, la méchanceté, la peur, la cruauté et la bêtise, la patience, la modestie traversent ces contes si proches de la fable. Un glossaire des termes africains et des termes difficiles ainsi qu’une carte d’Afrique sont deux aides précieuses. La table des matières rassemble les contes par animal héros : antilope, araignée, buffle, calao, chacal, chien, crocodile, éléphant, girafe, guépard, hyène, léopard, lézard, lièvre, lion, oryx, python, rhinocéros, singe, tortue.

Contes croisés. Quand l’Afrique et l’Europe se répondent, illustrations de Rémi Courgeon, contes rassemblés par Jeanne de Nantes, carnet de lecture par Evelyne Dalet et Jeanne de Nantes, Gallimard jeunesse, collection folio junior, 2012, 122 p.
Voici un excellent ouvrage qui fait dialoguer des contes du Bénin avec des contes d’Europe (surtout de France car à part Esope, on croise : La Fontaine, Gripari, Perrault). Doit-on y voir un fondement de l’humanité universelle, comme l’ouvrage tend à nous le comprendre ? Doit-on y scruter la morale en acte (jalousie puni, orgueil réprimandé, bienfait récompensé, argent et perversité, ingratitude, éloge du jugement et de la raison socialement entérinée, éloge de la sympathie …) des origines des peuples ? Nul doute que l’ouvrage nous engage dans cette voie. Pour le jeune lectorat, un tel livre permet de faire comprendre le relativisme des cultures et leur enracinement commun dans le rapport aux autres (ce qui est privilégié par la sélection de Jeanne de Nantes) et à l’univers.

Bloch Muriel, Un Conte du Cap Vert. La dernière colère de Sarabuga, illustré par Aurélia Grandin, Gallimard jeunesse, collection Contes du bout du monde, 2012, 32 p.  + 1 CD, 17€
Bloch Muriel, Un Conte du Japon. Ce qui arriva à monsieur et madame Kintaro, illustré par Aurélia Fronty, Gallimard jeunesse, collection Contes du bout du monde, 2012, 32 p.  + 1 CD, 17€
Ces deux contes reposent sur des musiques traditionnelles dont les textes ne sont que les introducteurs. Dans les deux cas, il s’agit d’une belle œuvre. La musique permet de rentrer dans l’univers de l’histoire. Si le conte du cap Vert se rapproche de la légende, celui du Japon est un vrai conte à la trame faussement policière.
Philippe Geneste



01/07/2012

« Non les brav’ gens n’aiment pas que / l’on suive une autre route qu’eux… »

David François, Georges Brassens avec à la lèvre un doux chant, illustrations Anastassia Elias, éditions à dos d’âne, collection Des graines et des guides, 2012, 44 p. 7€50
Voici une biographie du ménestrel libertaire (1921 – 1981), amoureux de la langue et des rythmes, fripon dans l’écrin versifié de grande finesse, tendre et drôle. François David signe là un livre sensible et érudit, mais sans étalage, un livre instruit qui conserve la patte littéraire de l’écrivain audacieux et amoureux de la langue. Le résultat est un délice à mettre entre les mains des enfants dès 10 ans. L’antimilitarisme, l’anticléricalisme du poète ne sont pas édulcorés, pas plus que les épisodes de sa vie auprès du peuple dont il ne se départira pas. Afin de bien introduire le lecteur à l’œuvre, François parsème son ouvrage de citations qui arrivent à point nommé dans le récit de la vie de celui qui chantait dans Les trompettes de la renommée :
« Si le public en veut, je les sors dare-dare ;
S’il n’en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d’acquitter la rançon de la gloir’,
Sur mon brin de laurier je m’endors comme un loir ».
Nul doute que ce petit ouvrage suscitera, chez le jeune lectorat, l’envie de l’écoute. Le ton de François David, en empathie avec l’artiste dont il retrace l’œuvre et la vie, permet aussi à l’enfant, et c’est rare dans le domaine de la littérature de jeunesse, d’approcher le personnage engagé qu’était Brassens. En effet, voici un extrait d’un article du Libertaire signé du nom de Géo Cédille, le 18/10/1946 relatant les méfaits de la police italienne et la révolte du peuple qui attaqua les policiers qui durent battre retraite :
 :
«Coups de poing.
Coups de pied.
Coups de matraque.
Et, enfin, coup de feu.
Et ce fut à ce moment précis que le miracle en question s’accomplit.
Les balles policières, qui s’étaient allées fourvoyer au-delà des nuages, réalisèrent le tour de force peu commun de revenir sur cette terre et de trouer quelques manifestants qui s’écroulèrent raides morts.
(…)
Contrairement à ce que pourraient supposer des esprits imbus du préjugé qui veut qu’au pays du macaroni on préfère la retraite au combat, le peuple italien demeura à sa place et, pour se dédommager de n’avoir pas pris la fuite, il prit la mouche ou, plus précisément, les mouches et en écrasa quelques unes sur les pavés
(…)
Sur l’ombre des victimes.
Sur les traces de sang.
Peuple de France, peuples du monde, le peuple d’Italie nous a donné une leçon.
Il vient de nous démontrer ce qu’il était possible de faire avec de l’entente et de la bonne volonté. Il vient de nous suggérer ce qu’il serait possible de faire si nous nous levions tous en même temps comme un seul homme.
Tâchons de profiter de cet enseignement ».
On ne peut souhaiter que les enfants d’aujourd’hui sauront, relisant les textes de Brassens éclairés par la biographie instruite et ouverte de François David, on ne peut que souhaiter que eux et elles aussi, tâchent de profiter de l’enseignement du poète avec à la lèvre un doux chant.
                                                                                                                                  Geneste Philippe