Anachroniques

26/08/2012

L’univers onirique de Shaun Tan

Tan Shaun, La Chose perdue, traduit de l’anglais (Australie) par Anne Kief, Gallimard jeunesse, 2012, 32 p. + dvd, 22€50
Voici un double chef-d’œuvre : un album et un court-métrage, les deux réalisés par l’artiste Shaun Tan, dont l’œuvre inclassable se poursuit ici. En réalité, l’album est paru en Australie en 2000 et le film d’animation a reçu l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation 2011 après le prix Cristal du festival international d’Annecy 2010. Le film dure quinze minutes mais des commentaires, un entretien (en anglais) avec l’auteur, des documents s’ajoutent à ces quinze minutes.
L’histoire est une allégorie de la curiosité comme source de la connaissance et fondement de l’humanité. Corollaire de la curiosité, l’ingénuité au sens assure le grandissement de l’humain, est le gage de son non enfermement dans le conservatisme. C’est que l’ingénuité c’est la qualité de ce qui est libre, de ce qui fait naître libre la personne dans le monde. Avec l’ingénité, autre orthographe ancienne du mot, l’être humain scrute ce qui l’entoure en en cherchant les modalités propres d’existence, sans volonté de se l’approprier mais à l’inverse de la comprendre. Le récit en image est alors un manifeste pour le regard d’ingénité, puisqu’il s’agit de voir le monde pour le com-prendre, le prendre avec soi et ainsi, le concevoir dans toute sa diversité de manifestations. La luxuriance des dessins de Shaun Tan, sa boulimie d’inventions de créatures improbables entre animal, humain et chose, flirtent avec une interprétation animiste de l’univers. Mais, la narration, assurée par le personnage principal, l’ingénu un peu naturaliste ou urbaniste au sens de catalogueur et classificateur des organismes et objets trouvés par monts et par rues, contraint à l’interprétation allégorique de son aventure. Car, en effet, on est bien dans une aventure : le narrateur collectionneur de capsules de bouteille, découvre sur une plage, un objet non identifiable, visiblement pas vraiment à sa place. La chose perdue sait communiquer, s’anime en compagnie. Le narrateur, cherche à savoir ce dont il s’agit et comme elle ne ressemble à rien, décide de la déposer au Bureau Fédéral du Bric-à-Brac. Une scène kafkaïenne s’ensuit, et le narrateur, heureusement averti par un travailleur technicien des surfaces du lieu obscur, repart avec la chose. Suivant les indications glissées dans sa poche par le travailleur du BFBB, indication qui représente une flèche isolée sur un morceau de papier (ce qui signe une non-indication) la chose et le narrateur aboutissent à un espace parallèle, une utopie des choses improbables, des êtres fantastiques et fantasques, où règne la lumière de l’éveil, de la connaissance non enfermée dans la parasse grise du conservatisme et des étroitesses de vue.
L’univers de Shaun Tan est à la croisée du surréalisme, de la satire sociale, de l’onirisme poétique avec un fond non d’humanisme mais de pacifisme. Que le lecteur emporte comme une problématique de sa vie cette ultime interrogation du narrateur : « Je pense encore de temps en temps à cette chose perdue. Surtout quand j’aperçois du coin de l’œil quelque chose qui ne colle pas (…) Toutefois, j’en vois de moins en moins ces derniers temps. Peut-être n’y en a-t-il plus beaucoup. A moins que j’aie cessé de les remarquer. Trop occupé à autre chose, j’imagine ».

Tan Shaun, L’Oiseau roi et autres dessins, traduit de l’anglais (Australie) par Anne Kief, Gallimard jeunesse, 2012, 132 p., 18€
Il s’agit de carnets, d’ébauches, de premières moutures, de variantes de dessins devant composer ou préparant les œuvres de l’auteur entre 2002 et 2012. L’édition française traduit les commentaires mêmes de Tan placés à l’intérieur des dessins, ce qui aide à la compréhension des planches. Les « images ne sont pas préconçues puis dessinées, elles sont conçues en étant dessinées ». On y trouve, bien sûr, et avec quel régal, une multitude de créatures imaginaires, des story-boards, mais aussi des croquis pris sur le vif. On trouve notamment une série de petits dessins, dont, nous dit l’auteur, chacun « a été exécuté en une seule séance de deux heures » et qui n’étaient pas destinés à la publication. Tournons les pages :
*Une première section rassemble des « histoires non racontées » : il s’agit de dessins isolés qui portent en eux, si on veut bien s’interroger sur ce qu’ils -signent, d’où provient leur con-figuration, toute une histoire par métonymie. C’est le contexte social, psychologique, biologique, historique du lecteur qui va lancer, inévitablement, une histoire. Cela rejoint cette affirmation de Shaun Tan : « L’un des grands plaisirs qu’il y a à dessiner, c’est que le sens peut être perpétuellement différé, et qu’on n’est pas vraiment obligé de “dire” quelque chose quand on travaille dans le secret de son carnet de dessins »
Dans ces carnets comme dans La Chose perdue, mais comme dans toute œuvre de Shaun Tan, il y a comme une problématique toujours rémanente : comment être libre du sens ? Je dis libre du sens et non pas libéré du sens, car, au fond, on donne toujours, à toute chose, du sens, donc tout nous fait signe et l’humain signe toute chose, en-signifie le monde, l’en-signe. Être libre du sens c’est aborder le monde avec la sensorialité humaine. A une époque au zénith de la superficialité, de l’aliénation, devenir libre du sens ce serait réussir, comme le narrateur de La Chose perdue, à se défaire de ce qui fait autorité, de l’autorité à sens unique.
*La seconde section s’intitule « Livre, théâtre et film ». On y trouve des essais pour La Chose perdue, que le dvd ne comporte pas dans sa partie documents, le story-board, mais aussi des griffonnages, des esquisses pour d’autres projets.
*La troisième section rassemble des « dessins d’après nature ». On s’y rend compte que l’univers imaginaire des œuvres de Tan s’appuie sur l’étude du monde familier qui l’entoure, êtres et choses et surtout, l’interaction entre eux et l’environnement. Ainsi, la chose perdue de l’histoire du même nom est-elle perdue parce que, de toute évidence, elle n’est pas « vraiment à sa place », donc, le déclencheur de l’histoire est une non-adéquation observée entre un objet et son environnement.
*L’ultime section du volume rassemble des extraits de carnets de petit format. On y trouve les petits dessins, des crayonnages spontanés, des croquis divers. Deux réflexions viennent alors à l’esprit.
D’une part, c’est la proximité qu’il y a entre l’action créatrice et l’action de lecture. En effet, dans les deux cas, c’est la qualité du regard donc la capacité à s’arrêter, à attendre que vienne une compréhension de ce qui se présente à soi qui sont sollicitées. Shaun Tan écrit même, page96 : « Ces esquisses peuvent m’aider à envisager de manière plus approfondie un intérêt passager, en prenant le temps de m’arrêter et de regarder ».
D’autre part, c’est le lien entre le non-sens et le sens. En effet, sur une page de carnet voisinent des dessins divers. Or, Tan nous dit dans le même texte qu’ « il est étonnant de voir quel sens sortira du non-sens et combien la juxtaposition sur une même page d’images disparates peut produire un effet inattendu, en faisant émerger des idées qui autrement auraient pu rester cachées sous les vagues ». Et il en va souvent de même à la lecture si celle-ci se fait curieuse, attentive, ouverte à l’in-connu.
Pour conclure, on retrouve dans L’Oiseau roi et autres dessins une des significations centrales de La Chose perdue, c’est-à-dire la curiosité et donc l’ingénité qui l’accompagne quand elle est créatrice. Voici comment Shaun Tan, page 36 définit « l’état d’esprit pour bien dessiner » : « une pure et simple curiosité ». C’est ainsi, lecteur, que l’on pourra peut-être un jour savoir et voir à quoi un monde transformé ressemblerait….
Geneste Philippe

18/08/2012

Derrière la soif des inconnus paysages, l’ouverture aux autres

NessmanN Philippe, Au Pays des indiens. La découverte du Far West, Flammarion, 2010, 209 p. 10€
On connaît Philippe Nessman pour ses documentaires, moins comme romancier. Pourtant, le volume écrit sur l’expédition de Clark et Lewis est remarquable. L’auteur, à partir des journaux de l’expédition publiés notamment en traduction par Michel Lebris, et d’une documentation précise, retrace l’exploration qui de 1804 à 1806 mena les trente personnes dirigées par les capitaines Merither Lewis (chef de l’expédition, naturaliste, géologue, zoologue etc.) et William Clark (cartographe) de Saint Louis, ville où le Missouri se jette dans le Mississippi jusqu’à l’extrême ouest, sur la côte du Pacifique à Clatsop.
Le roman met en scène des faits attestés ; l’histoire intégrée à la fiction est un matériau consubstantiel à cette dernière ; l’histoire est livrée chronologiquement ; la violence est peu évoquée et absente des descriptions ; la fin est heureuse, Ce sont là, des critères communs avec le roman historique pour la jeunesse en général même si contrairement à la plupart des récits historiques pour la jeunesse, il n’y a pas d’euphorie finale puisque la mère de l’enfant meurt (1).
Mais le récit de Nessmann s’en différencie par certains traits. Le plus important est qu’il ne repose pas sur le suivi d’un destin individuel. En effet, c’est l’expédition qui est mise en avant et si une figure se détache du groupe, c’est celle de Sacagawea, l’indienne Shoshone compagne du trappeur québécois Charbonneau qui a intégré l’expédition en cours de route. Cette indienne, on le sait, joua un rôle capital dans la réussite de l’expédition de Lewis et Clark. Un an plus tôt, à 15 ans, elle avait été mariée au trappeur par les indiens hidatsa chez qui il vivait. A 16 ans, elle donna naissance à un petit garçon, Jean-Baptiste Charbonneau, qui fut du voyage avant d’être confié à Clark par ses parents pour son éducation. Nessmann prend prétexte de cette situation finale pour faire de Clark le principal narrateur du roman : il s’adresse à l’enfant à qui il raconte l’histoire de sa mère. Par ailleurs, régulièrement dans l’ouvrage, des insertions du récit, par Clark, des réactions de l’enfant, qui l’écoute, donnent un rythme au récit. De plus, fort intelligemment, Nessmann intègre de faux extraits du journal de voyage de Lewis et de celui de Clark. Ce sont ces textes-ci qui portent les mentions de date et permettent de suivre la chronologie temporelle de l’histoire. On a ainsi un mélange de narrations à la première personne et à la troisième personne avec des personnages acteurs de l’histoire. Nessmann intègre même une lettre de Lewis à Clark, elle aussi, réécrite. Ce travail narratif permet de privilégier, contrairement au roman historique pour la jeunesse, une narration au présent des événements. Malgré sa complexité, ce dispositif narratif est transparent pour le lecteur. Le jeu typographique et la mention des chapitres y aident. La couverture deFançois Roca privilégie Sacagawea. C’est que le roman va peu à peu lui donner plus de place, conformément à ce qui se passa de fait durant l’expédition. L’enfant, quant à lui est comme le lecteur (dont il a sensiblement le même âge), servant à relancer régulièrement l’histoire durant les scansions que nous avons mentionnées. Enfin, le roman s’éloigne du traditionnel récit historique pour la jeunesse en ce qu’il ne tombe pas dans une apologie des droits de l’homme et de l’humanisme. L’auteur, en effet, même s’il n’a pas intégré la violence de l’époque, rend un compte fidèle à l’attitude des blancs durant la conquête de l’ouest. Même si ce n’est pas son sujet immédiat puisque l’expédition précède la ruée vers l’ouest. C’est en effet, après l’acquisition de Louisiane achetée à Napoléon en 1803, que le président Thomas Jefferson (1743-1826), dont Lewis était le secrétaire particulier, diligenta l’expédition. C’est celle-ci qui ouvrit les voies du Far West. Les sentiments belliqueux n’étaient pas de mise pour les explorateurs envers les indiens durant cette phase pionnière. Ils le devinrent après, avec les génocides de peuples entiers que l’on connaît.
Ce roman historique décrit une Amérique en construction face aux appétits anglais, espagnols et français. Il décrit les paysages qui s’y succèdent d’est en ouest et la vie des explorateurs. Les mœurs indiennes ne sont pas oubliées, et c’est un apport essentiel du livre qui s’ouvre sur une interrogation : comment l’appétit de savoirs, l’appétit de la découverte peut-il être trahi par les menées politiques ? Une science sans conscience des enjeux qui la mobilisent existe-t-elle ? Sacagawea, aujourd’hui, figure légendaire aux USA, est morte quelques années plus tard, après une vie choisie d’errance sur les grands espaces inconnus. Mère à 16 ans, déracinée durant son enfance, à cause des guerres incessantes entre les tribus puis des coutumes patriarcales et machistes, membre crucial de l’expédition, elle s’impose au jeune lectorat par son courage mais aussi par les interrogations que ses choix ne manquent pas de susciter.
Nul doute que Philippe Nessmann a signé là un très bon roman historique pour la jeunesse.
Geneste Philippe
(1) Le lecteur voudra bien se reporter à notre étude détaillée parue dans l’ouvrage collectif dirigé par Denise Dupont-Escarpit, La Littérature de jeunesse. Itinéraires d’hier à aujourd’hui, Magnard, 2008, pp.416-426

13/08/2012

Deux contes mapuches

Heissat Jacqueline, La Sirène de Chiloé. Mythes des indiens Mapuches, illustrations de Violaine Marlange, Dadoclem éditions, collection perles du monde, 2009, 62 p. 11€
Ce n’est qu’épisodiquement que la littérature de jeunesse invite le jeune lectorat à connaître les fabuleux récits des indiens du sud de l’Amérique latine, dont la mythologie des indiens Mapuches. Dans ces régions où des génocides ont dévasté les contrées indiennes, où de nombreux peuples ont été rayés de la carte, la culture Mapuche, qui s’est déployée à travers la forêt australe, est la plus côtoyée par le secteur du conte destiné à la jeunesse. Le mot Mapuche signifie « homme de la terre ». Ce peuple opposa une résistance qui imposa aux colonisateurs espagnols de signer le traité de Quilin par lequel ces derniers reconnaissaient l’existence de la nation mapuche.
Le premier récit, Kintinien et la sirène,  est celui de la fille de Pincoya,  la déesse des mers australes. La petite a été placée par sa mère dans un oursin géant afin de la protéger de ses prédateurs. Elle va être recueillie par une vieille femme sur une île isolée de l’archipel de Chiloé, tout au sud du Chili. La vieille femme va protéger le bébé sirène, qui à l’âge adulte repartira dans l’océan et se mariera avec un albatros. De leur union naîtra l’espèce des poissons volants. En récompense, la déesse élimine la faim de l’archipel de Chiloé.
Le second récit, La petite Sirène et l’albatros,  est celui des amours de l’air et de l’eau, de l’union du ciel et de la mer. L’amour y est présenté comme une sente où se joignent les impossibles. Dans ce conte mythique, la mère adoptive n’est pas une marâtre mais au contraire celle que choisit la jeune sirène comme confidente et comme mère de cœur. L’autre mère, la déesse Pincova, n’est pas malfaisante, loin de là, elle aime sa fille mais la laisse libre de ses choix. On a ainsi l’affirmation de valeurs bien éloignées des contes en vigueur dans la tradition privilégiée par la littérature scolaire d’occident. Le lecteur comprendra de lui-même que Jacqueline Heissat a mis bout à bout deux récits qui se suivent  et forment ainsi une même histoire. La naissance d’une nouvelle espèce mi-poisson, mi-oiseau symbolise l’amour comme dépassement de soi.

Le mythe des sirènes est bien connu en Europe où on le fait émerger de la Mésopotomie. En 1500 avant J-C les Babyloniens vénéraient des divinités marines à queue de poisson qui pourraient avoir pour origine les dugongs vivant à cette époque dans la mer Rouge. La mythologie mapuche rappelle l’universalité de ces êtres fabuleux présents dans toutes les traditions des civilisations à proximité des mers : on les trouve en Inde sous le nom d’Apsara, au Japon sous le nom de Ninyo, en Haïti (cf. le journal de Christophe Colomb), en Australie dans les mythes aborigènes, le Yara-ma-yha-who et bien sûr, on pense aux selkies irlandaises…. On remarque, aussi, des similitudes dans les transformations de ces créatures. Ainsi, dans le conte Kintinien et la sirène,  la sirène donne naissance à des poissons volants, soit une figure proche de la sirène à tête d’oiseau et à corps de femme que l’on retrouve dans Les Métamorphoses d’Ovide (43 av. J.C. – 17 après J.C.) Dans le récit mapuche, point de séduction mortelle, ni de valeur négative portée par les sirènes. Ceci les rapprocherait des néréides grecques, ces cinquante nymphes des mers filles de Nérée et de Doris, divinités bienveillantes qui protègent les ports et les marins.
G.Ph.

NB : Pour les enfants passionnés par le monde des sirènes, on recommandera le documentaire de Bottet Béatrice, Sirènes et autres dames des eaux, illustrations de Christine Adam, Casterman, collection La Bibliothèque du fantastique, 2008, 62 p ; 14€95

06/08/2012

Contes glacés

Sternberg Jacques, Contes glacés, choix de Joseph  Duhamel, Mijade, collection zone, 2008, 190 p. 7€
L’œuvre de l’écrivain belge Jacques Sternberg (1923-) défie les classifications et se joue des frontières thématiques. Connu pour ses réflexions sur la science fiction (Une Succursale du fantastique nommée science-fiction paru en 1958), il l’est également pour sa maîtrise de la forme courte, appelons-la, nouvelle ou conte. Ses romans, souvent issus, eux-mêmes de textes courts (dixit Pierre Versons dans son Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction) œuvrent pareillement au reste de ses textes à l’application des règles de l’absurde à la littérature.
Les contes glacés, publiés par Mijade à l’intention des adolescents, est une anthologie intelligente de ce maître de la forme narrative brève. Nul doute que le genre du conte implose dans un tel recueil. En effet, on lit souvent des textes d’une demi-page qui ressemblent presque au bon mot mais qui ouvrent le champ de l’imaginaire grâce à la chute inattendue qui les clôt. Alors, surpris, on y revient, on relit et le texte s’allonge de notre temps de lecture.
C’est que l’œuvre de Sternberg vise l’expression et non la communication, elle impose un effort de représentation et récuse la transmission sommaire. Si l’auteur atteint son but, c’est parce que son exigence littéraire repose sur une exigence de l’écriture, seule garante de faire advenir la singularité d’un univers propre.
Le volume est organisé en sections qui rassemblent plusieurs contes sous un même thème. Huit sections structurent l’ouvrage : Les objets – Les autres – Les animaux – Les lieux – Les êtres humains – L’ailleurs – Les lois de la nature – Les incidents. :
Pour en savoir plus sur l’œuvre, nous avons demandé à Joseph Duhamel, de nous entretenir de la genèse du volume paru chez Mijade, de nous dire, notamment, ce qui avait présidé au choix des contes et si la destination de l’ouvrage vers le jeune lectorat avait influencé les choix. Voici ses réponses :

La parole à  Joseph Duhamel,
maître d’œuvre de l’édition des Contes glacés de Jacques Sternberg,

« Le projet de livre tel qu’il avait été discuté avec Mijade impliquait tout d’abord de proposer une anthologie de contes (et non un roman) et ensuite de considérer que ce recueil paraîtrait dans une collection destinée à la jeunesse. Ces deux éléments ont donc directement influencé les choix que j’ai faits.
J’ai privilégié des contes brefs, à l’une ou l’autre exception. Il fallait aussi que ces contes ne fassent pas référence à des événements ou des situations que les jeunes lecteurs d’aujourd’hui ne connaîtraient pas (pour éviter des notes explicatives qui alourdiraient la lecture et ne seraient de toute façon pas suffisamment éclairantes).
Avec ces deux principes, j’ai passé en revue toute la production de Sternberg, en retenant, subjectivement, les contes qui me semblaient les plus réussis. Il a, entre autres, fallu arbitrer entre les différentes versions que Sternberg propose de certaines histoires. En effet, dans la plupart des cas, il s'agit pour lui de reformuler l'argument de son conte, les variantes étant significatives mais ne touchant pas à l'idée même de son bref récit, à part quelques rares cas. Pour imaginer pourquoi il a opéré tel changement et quelle pouvait en être la raison, il faudrait connaître précisément la date des diverses versions, ce qui n’est pas toujours possible.
Le classement par thèmes, aussi bien les thèmes généraux de la SF que ceux propres à Sternberg (la référence à la Shoah ; son idéalisation des formes « non-humaines »  de vie que ce soit sur terre ou dans l'espace, les mauvais tours du destin, et surtout, la préoccupation écologique, devenue banale entretemps), est venu assez facilement, tant il est vrai que l’écrivain revenait fréquemment sur des sujets de récit dont il exploitait différentes facettes ».