Anachroniques

29/06/2014

Du loup en littérature de jeunesse

Guillopé Antoine, Loup noir, Casterman, 2014, 32 p. 13€95
Cet album est paru il y a dix ans. Il appartient au rare secteur jeunesse du roman graphique. Ce qui est curieux, est que cet auteur, pas plus que les autres créateurs et créatrices de romans graphiques pour la jeunesse ne se réclame du courant de graveurs – narrateurs expressionnistes de la première moitié du vingtième siècle. Giacomo Patri ou Franz Masereel sont inconnus. Et pourtant, on ne peut pas ne pas penser à cette filiation. Guillopé a travaillé à l’encre de Chine des aplats en noir et blanc et les structures minutieuses pour figurer notamment les branches dénudées des arbres. Le sujet est celui de la peur portée par l’enfant perdu au cœur de la forêt où rôde le loup. Bien évidemment, cette thématique permet à l’enfant lecteur de tout de suite entrer dans l’histoire ou, plutôt, de créer les premiers pas du récit sans parole.
Chaque image, ici, est un tableau narratif. La suite des images construit la narration d’une intrigue. Le dénouement tient dans la transformation du loup noir en un loup blanc, surexposé au cliché de la réconciliation. Mais réconciliation non pas de la bête et de l’animal mais plutôt de l’enfant avec sa peur, l’acceptation de sa peur par l’enfant. La peur est le moteur de l’aventure, parce qu’elle introduit l’étrangeté au cœur de l’existence. Le récit graphique est, par technique, un récit au noir, une entrée dans la peur du noir. L’agression du loup, l’effondrement de l’arbre qui brise ses branches en mille éclats nocturnes sur la neige blanche illuminée par une lune d’autant plus omniprésente qu’elle n’est pas dessinée, évoquent non pas le triomphe de l’instinct, de l’animalité en nous, mais au contraire l’entrée dans l’humaine condition de l’enfant qui va devoir s’accepter, accepter sa peur, c’est-à-dire prendre en compte son émotion comme action qui trace le chemin de sa vie.
Ainsi, à l’opposé extrême de la littérature de peur dont le ressort est l’adhésion sans distance à l’émotion donc la fascination, Loup noir invite l’enfance lectrice à cheminer avec la peur comme sentiment de construction de la personne, à faire réflexion sur la vie à partir d’elle. C’est ce qui fait de cet album un album rare, au niveau même de son contenu. N’est-ce pas la marque des chefs d’œuvre d’art, savoir rendre compte du réel par l’imaginaire. On pense au dessinateur et scénariste de bande dessinée Comes.
Faut-il souligner que l’avantage majeur du récit graphique est de solliciter la relecture ce qui est une manière inépuisable de renouveler son interprétation et donc une offrande de l’album au jeune lectorat pour construire du sens et en valoriser l’opération même. A cet aune, l’acte de lecture grandit aux yeux de l’enfance, en tant qu’il s’arrime au sens.

Conno (Gianni de), Un Froid de loup, illustrations d’Ivan Canu, traduit de l’italien par Faustina Fiore, Casterman, 2014, 32 p. 13€95
Le livre repose sur une illustration sombre, puissante par ses couleurs voilées, suggestive par le flouté qui crée la distance entre l’enfant lecteur et l’histoire. C’est une histoire animalière anthropomorphe.
Tout commence par une thématique de la prédation mise en question : qui veut exploiter ne peut pas demander la solidarité car ce serait solidarité pour l’oppression. Mais peu à peu, au fil de la leçon de morale sociale, le prédateur se trouve vis-à-vis de son propre prédateur, le loup face à l’homme. Alors commence la seconde thématique, celle de la domestication du loup en chien.
Deux thématiques s’opposent donc : la première qui est refus de l’alliance avec les dominants et la seconde qui loue la domestication comme forme de solidarité sociale. On peut, aussi, lire différemment la présence des deux thématiques et prendre la seconde comme illustration de ce que l’acceptation du lien de solidarité avec son oppresseur entraîne inéluctablement. Alors, on reprend le livre au début, dans l’irréel des paysages et des animaux. Si la force de l’album renforcée par le format (24,6x31,8) parle immédiatement à l’enfant, il ne fait pas de doute que la discussion avec celui-ci sur la thématique de l’histoire serait utile et motivante, d’ailleurs pour sa relecture

olive Guillaume, Voilà le loup !, illustrations de He Zhihong, Chan Ok, 2014, 26 p. 13€25
Voici un fabliau moral pour éduquer les enfants. Illustré en suivant les techniques de la peinture traditionnelle chinoise, l'encre de Chine et des pigments de couleurs sur du papier de riz blanc, l’album tourne son regard vers la poésie alors que le texte trame le squelette de l’intrigue : un enfant, berger de son état, s’aperçoit que les villageois accourent lorsqu’il crie « Voilà le loup » du haut de la montagne où il garde ses moutons. Lorsque le loup sera vraiment là, l’enfant criera mais les villageois ne le croiront pas et le troupeau sera décimé.

L’illustratrice procède par un travail préparatoire tenant compte de la mise en page ce qui explique l’extrême fluidité des images et l’intégration harmonieuse des personnages. L’album est une fête pour le regard, une gourmandise pour l’histoire. 
Geneste Philippe

22/06/2014

Des attachements

Davies Benji, L’Enfant et la baleine, traduction de l’anglais par Min, Milan, 2013, 28 p. 11€90
Une histoire tendre entre un père pêcheur et son enfant. Une nuit de tempête, une petite baleine est retrouvée par l’enfant, échouée sur la plage. Il la sauve. Le père lui expliquera qu’il faut la remettre à l’eau. Un jour de printemps, il verra la baleine et sa mère au large, comme un adieu. C’est une histoire où la mer peinte de couleurs sombres de manière dominante laisse planer une menace qui n’est au fond que la tristesse de la perte de sa mère par l’enfant. L’exergue donne la clé de la lecture : « La merveille du monde / Sa beauté et sa force / La forme des choses / Les couleurs, la lumière, les ombres / J’ai vu tout cela / A toi de les regarder maintenant / toi qui es vivant ». Un hymne à la vie, par conséquent.

Heurtier Annelise, Babakunde, illustrations de Mariona Cabassa, Casterman, 2014, 32 p. 13€95
L’Afrique imaginaire est posée dans l’espace de la lecture par les merveilleuses peintures de Mariona Cabassa. Il s’agit d’une Afrique mythique, d’un regard occidental pleinement assumé mais respectueux de l’art africain. Les illustrations narratives rejoignent le récit de Heurtier.
Ce dernier part de la thématique de la mort. L’hommage au mort n’est pas une cérémonie conventionnelle mais un geste de réconfort à l’égard des proches du défunt. Babakunde ne s’est jamais rendu aux funérailles de ses amis, trop pris par ses propres occupations en vue de s’enrichir. Oh, non pas qu’il ne soit pas généreux, il l’est et ne manque pas d’offrir aux proches des défunts de riches cadeaux, mais jamais il n’offre son temps. Lorsque son épouse est emportée à son tour par la mort, Babakunde organise de riches funérailles mais personne en viendra les partager avec lui, il sera seul sous le fardeau de la tristesse. Non pas que les  villageois ne soient pas généreux, ils le sont et lui enverrons l’ensemble des cadeaux qu’il leur avait envoyés pour leurs propres défunts. C’est que la vie humaine qui repose sur l’appât du gain, est une vie aliénée du lien humain. C’est le lien entre les êtres humains qu’il faut cultiver pour espérer faire naître un jour une société nouvelle, loi, très loin, du monde d’aujourd’hui.

Chabas Jean-François, Folles Saisons, illustrations de David Salas, Casterman, 2013, 32 p. 14€95
Voici un chef d’œuvre de grâce et de sensibilité, de pertinence contemporaine et d’onirisme. Il s’agit, en quelque sorte d’illustrer le dérèglement climatique de la planète et le stéréotype langagier qui l’exprime : il n’y a plus de saison. Non pas que celles-ci ont disparu, mais elles se mélangent dans leur folle envie de liberté, dans leur désir fou de ne suivre que leurs envies du moment, les saisons changent de place. C’est l’occasion pour le peintre dessinateur de juxtaposer les couleurs, de confronter les atmosphères usant du pointillisme parfois, de la peinture naïve ou de grands aplats abstraits, voire quelques contorsions picturales expressionnistes, c’est sans ménagement le grand mélange. C’est que l’espèce humaine malmène la nature et sans cesse pousse à sa dégradation, à son humiliation. Folles Saisons pourrait être caractérisé de mythe moderne, et ses auteurs les accompagnateurs inventifs non pas d’une adaptation superbe et généreuse mais d’une pensée mythique contemporaine.

Philippe Geneste

14/06/2014

A la volette des mots et des sons

Bonbon Cécile, A la volette !, Didier Jeunesse, collection Pirouette, 2009, 24 p., 11
Il s’agit de l’interprétation en tissus découpés, cousus, collés de la chansonnette « à la volette ». Petit oiseau deviendra grand et le chant conte son grandissement, ses blessures, ses accidents, les à-coups de la vie. Les mots sont parfois coquins et Cécile Bonbon introduit avec finesse cette dimension, aussi. Un magnifique album avec la partition musicale.

Ménagerimes, de A comme Araignée à Z comme zébu…, Didier jeunesse, 2009, 48 p. + cd 30’27, 23€50
Décliné en mélodies de chanson française, ce bestiaire en forme d’abécédaire fait se correspondre une illustration surréaliste avec des textes plus convenus et bien moins loufoque que ne le laisse présager l’œuvre graphique de Martin Jarrie. Les textes sont de Joël Sadeler, la composition des morceaux de Th. Maillé, le piano de Spucches, et l’interprétation de Haurogné.

Mon Imagier des berceuses, musique de Bernard Davois, illustrations d’Olivier Tallec, Gallimard jeunesse, collection Musique / les imagiers, 2009, 40 p. + cd audio de 40mn, 1450                            tout petits
Il y a un imagier très bien peaufiné pour la teneur des berceuses, mais nous nous arrêterons, ici, à l’aspect audio phonique. C’est un régal. Il y a seize berceuses dont de nombreuses très connues et anciennes, qui relèvent de la comptine, avec des interprétations instrumentales riches qui en renouvellent l’écoute.

Boudet Alain, Poèmes pour sourigoler, illustrations d’Huguette Cordier, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2014, 60 p. 10€
L’ouvrage possède une unité, celle de la joie de lire, de rire de la vie, de jouer avec les circonstances par le langage pour les détourner de leur contingence et les ouvrir à ce qu’elles nous cachent peut-être. Les illustrations sombres et embrouillées laissent passer l’humour du trait d’Huguette Cordier. Les objets, les minéraux, prennent vie, l’animisme surgit au détour de tel ou tel vers, le monde de l’enfance est ainsi sollicité mais toujours avec la rigueur qui sait mettre à distance la technique poétique pour rendre compte du sens de l’expérience, dont celle que vit le lecteur ou la lectrice, lire. On ne rigole pas, mais on sourit pendant que les mots s’écoulent au fil des pages.

Roy Claude, Poèmes, Gallimard, collection Folio junior poésie, 2010, 95 p. cat 2
Il y a des poètes qui se lisent surtout grâce à l’école. Claude Roy en fait partie. Relire ses poèmes, ou les lire, est l’occasion de découvrir d’autres poèmes où le traducteur de poésie chinoise montre l’étendue de sa culture tout en parlant simplement, ce qui explique l’intérêt des enfants pour ses œuvres. Il aimait répondre à la question « Quel est pour vous le comble du malheur ? » (Extraite du questionnaire de Proust) : « Ne plus s’étonner de rien… ». Sa poésie entretient vif le désir d’étonnement et il est bon, pour cela, de la relire. Les poèmes présents dans cette anthologie sont extraits de Enfantasques (1974), Nouvelles Enfantasques (1978), Poésies (1970), Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ? (1979), A la lisière du temps (1984), Les pas du silence (1993).

Pef, La ré-si-do-ré du prince de Motordu, musique de Marc-Olivier Dupin, Gallimard  jeunesse, 2012, 40 p. + CD , 22€
L’orchestre national d’Île de France, interprète la composition de Dupin. L’histoire toute en jeux de mots, est racontée à travers les dialogues théâtraux imaginés par Pef. C’est jubilatoire, insensé, nonsensique et en même temps c’est une introduction à l’exécution instrumentale des partitions musicales.

Geneste Philippe

09/06/2014

Illustration et poésie

David François, Le Garçon au cœur plein d’amour, illustrations de Stasys Eidrigevicius, Urville, éditions Motus, 2010, 32 p. 13€
pour tous les âges
Le récit de David est, comme souvent chez cet auteur, assez proche de l’exercice de style savant et sensible à la fois, fait assez rare. Les pérégrinations de Tristan qui devient tout ce qu’il voit et aime. Dès lors s’installe le dialogue avec l’illustrateur lituanien Eidrigevicius  spécialiste des peintures de visages. Le visage renvoie en miroir le monde où vit Tristan, comme il renvoie ses désirs. Ses métamorphoses sont celles qui accompagnent toute quête d’identité qui se perdrait en identification aux icônes du moment. Les portraits racontent moins de choses qu’ils ne posent de questions sur Tristan, donc, par ricochet, sur le lecteur. David utilisant de ci de là des stéréotypes invite ce dernier à s’interroger. Chaque double page est une perspective sur le rapport à soi autant qu’à l’autre : ni narcissisme ni personnalité diaphane poreuse aux autres, ni certitude de ses raisons ni certitude des raisons d’autrui, mais se poser face à face au monde, telle pourrait être une ligne de lecture du livre, comme on parle de lignes de la main. L’ouvrage est un chef d’œuvre et la dextérité graphique ne doit pas faire oublier l’intelligence du texte de cet auteur singulier et pénétrant qu’est François David.

Ainoya Yulki, Sato lapin et la lune, traduit du japonais par Nadia Porcar, Syros, 2012, 62 p. 12€50
L’ouvrage rassemble sept histoires de Sato lapin. Le principe est de partir d’une idée poétique retracée par un texte prosaïque servi par une illustration suggestive, élargissant le propos du texte vers la source poétique de son inspiration. Le lecteur passe de trouvaille en trouvaille, traverse un monde merveilleux, où le surréel est enfoui dans le réel. Le personnage lui-même est un garçonnet déguisé en lapin plus qu’un lapin, ce qui ajoute à l’ambiguïté du texte. Si l’expression d’histoire poétique avait un sens, nous dirions qu’il s’agit d’un texte presque naïf où la subtile mise en image fait advenir la source poétique d’une histoire imaginaire.

Brière-Haquet Alice, Le Bonhomme et l’Oiseau, illustrations de Clotilde Perrin, Père Castor, 2014, 24 p. 10€50
Le texte est mis en page à la manière d’un poème ; Point de rimes régulières, mais un jeu d’assonances qui assure un retour des sons comme une danse joyeuse et libre, réservant par le rythme, celui des syllabes comme celui des pages, des interstices où le regard chemine à l’intérieur des illustrations de Perrin.
La sensibilité de l’écriture de Brière-Haquet se pose sur une base minimaliste : un bonhomme de neige reçoit, un soir d’hiver, un oisillon transi. Improbabilité de la situation, les oiseaux ne naissent pas en hiver ; et donc, déclaration d’un univers merveilleux. L’oisillon va passer le temps de froidure dans le creux de l’écharpe du bonhomme et s’envolera au printemps. Histoire triste ? Point. Le bonhomme fond et « l’ami de neige » part en voyage sous forme de nuage « jusqu’au prochain hiver ».
Poème disions nous, poème de 40 vers dont la plupart sont des hexasyllabes, octosyllabes et tétrasyllabes. L’harmonie domine, même si la poétesse sait user de vers impairs pour ouvrir le champ des mondes possibles :
Un filet de voix,
un presque rien, (avec diérèse)
qui lui racontait tout bas
des souvenirs lointains.
Ici les deux pentasyllabes suivis de l’heptasyllabe miment la déstabilisation morale de « l’ami de neige » qui vit immobile alors que l’hexasyllabe final le montre qui entre avec bonheur dans ce lointain qui est autant temporel qu’annonce d’espaces nouveaux à découvrir.
La mise en page qui régule la mise en strophe et l’organisation du texte en phases strophiques, laisse à l’illustration toute la place de sa rêverie douce. Les tons en dégradés de gris illuminés au fil de l’histoire de guirlandes de couleurs, plutôt douces, voire pâles et mates, se modifient jusqu’à l’ultime page de lumière. L’illustration raconte mais ne répète pas le texte, elle le prolonge en permanence tout en permettant à l’enfant de suivre le récit, voire, à 4/6 ans, reprenant seul le livre, de se raconter l’histoire par la seule force suggestive des images.

Geneste Philippe

01/06/2014

De la vie des Ados à la condition des enfants

Burgess, Melvin, Kill all ennemies, traduit de l’anglais (GB) par Nathalie Peronny, Gallimard, collection scripto, 2012, 365 p. 15€50
Billie, Chris et Rob, trois ados mal dans leur peau. Ils ne se ressemblent en rien mais tout les unit. Chacun connait d'énormes difficultés familiales. Que ce soit Billie, rejetée par sa mère, elle est persuadée que sa famille d'accueil ne l'aime pas, Chris qui déteste l'école et que son père force à travailler ou Rob battu par son beau-père mais qui ne se plaint pas pour ne pas blesser sa mère et son petit frère.
Au fil des ans ils ont acquis une « carapace » mais pour la faire éclater ils ont besoin d’amour, d’amitié, d'affection. Seulement où, en trouver dans un monde qui leur paraît dur et injuste ?
Après un long parcours semé d'embuche, ils réussiront tous à vaincre leurs démons intérieurs, les parents de Chris découvriront qu'il est dyslexique et l'accepteront comme excuse à son dégoût de l'école. Après une fugue, Billie comprendra enfin que sa famille d'accueil l'aime comme elle est. Rob, réussira à rassembler toute la haine et la rage qu'il avait accumulé toutes ces années à la place de son frère et de sa mère pour se révolter contre son beau-père et le chasser de chez sa mère.
On retrouve deux des personnages rassemblés au concert des « Kill All Ennemies » : Rob, le batteur, n'est pas extraordinaire mais on ressent la passion à travers son jeu ; Billie , la chanteuse qui le regarde d'un air tendre. Ils sont heureux.
Melvin Burgess signe-là un remarquable ouvrage débordant de vérité et présentant un nouveau type de roman. Je le qualifierai de réaliste mais un nouveau genre de réalisme, plus dur que le « basique » auquel nous étions habitué jusque là, bouleversant et levant le voile sur un jour de la société peu connu. C’est la marque du naturalisme tempéré initié par Burgess dans le secteur de la littérature jeunesse (1).  Chef-d’œuvre, le livre exhibe au grand jour les problèmes de violences à l'école, d'enfants battus ou délaissés, mais aussi les solutions s'offrant à eux, établissements spécialisés, conseillers, psychologue etc. Fidèle aux règles du genre qu’il étoffe à chacune de ses œuvres, Burgess renoue à la fin du roman avec un didactisme écarté jusqu’alors. Ici, c’est la morale individualiste du chacun, chacune peut s’en sortir s’il le veut, qui s’impose : pour Billie, Chris ou Rob la chance finit par tourner et les plaisirs de la vie s’ouvrir aux blessés du monde moderne.
Aurélie Arnaud
(1) voir Geneste Philippe, “Les Axes de la préoccupation sociale dans le roman pour la jeunesse”, dans Escarpit Denise, La Littérature de jeunesse. Itinéraire d’hier à aujourd’hui, Paris, Magnard, 2008pp.399-433

Mazza Viviana, L’Histoire de Malala, traduit de l’italien par Diane Ménard, illustré par Paolo d’Altan, Gallimard jeunesse, 2014, 208 p. 10€90
Ce roman pour les 11/12 ans de Malala Yousafzai, cette jeune fille qui dès onze ans élève sa voix contre l’opression religieuse et qui, quatre ans plus tard est victime d’une tentative d’assassinat par les talibans. On est au Pakistan, dans la vallée de Swat, une toute jeune fille se dresse contre la dictature idéologique d’une religion et porte la voix du courage en faveur la libération des femmes.
Viviana Mazza, journaliste au Courriere della Sera, mêle dans le genre romanesque les formes de la chronique, de l’écriture documentaire, n’hésitant pas à convoquer le ton poétique.
Nous avons proposé le livre à la commission Lisez jeunesse qui, unanimement l’a apprécié parce qu’il permet de poser les bases d’un vrai débat sur la condition des femmes au Pakistan mais aussi dans le monde opprimé par le retour obscurantiste des pensées religieuses en tout genre. 

Koëgel Tristan, Le Grillon. Récit d’un enfant pirate, Didier jeunesse, 2013, 135 p. 12€00
Voici un très bel ouvrage d’histoire immédiate qui emprunte la voie de la fiction avec rigueur et exigence. Mostéfa dit Le grillon est un enfant pirate de Somalie. Le roman raconte son aventure qui le mène de la mer à un institut de Mogadiscio où l’enfant a du mal à se contraindre aux règles nouvelles, lui qui il y a peu manipulait des fusils mitrailleurs et vivait sur l’eau de l’océan indien, du golfe d’Aden et de la mer Rouge. Le récit est à la première personne et c’est la petite faiblesse de l’ouvrage car on sent un décalage entre l’écriture et la personne de l’enfant sensé écrire ou parler. Mais c’est un roman à proposer dans toutes les bibliothèques et centre de documentation.
Commission lisez jeunesse