Dahl Roald, Charlie et la chocolaterie, lu par
Claude Villers et 4 comédiens, Gallimard
jeunesse, 2016, 1CD / mp3, 3h. 14€
Dahl Roald, LeBGG. Le Bon Gros Géant, traduit de
l’anglais par Jean-François Ménard, illustré par Quentin Blake, Gallimard
jeunesse, 2016, 218 p. 14€90
Dahl Roald, Moi Boy et plus encore traduit de
l’anglais par Janine Hérisson et Jean-François Ménard, illustré par Quentin
Blake, Gallimard jeunesse, 2016, 240 p. 14€90
Dahl Roald, Matilda traduit de l’anglais par Jean-François
Ménard, illustré par Quentin Blake, Gallimard jeunesse, 2016, 120 p. cat.4€90
Dahl Roald, La
Potion magique de Georges Bouillon,
traduit de l’anglais par Marie-Raymond Farré, illustré par Quentin Blake,
Gallimard jeunesse, folio junior, 2016, 121 p. cat.4
Dahl Roald, La
Poudre à boutons et autres secrets mirobolants
avec un chapitre inédit de Charlie et la Chocolaterie ,
traduit de l’anglais par Marie Leymarie, illustré par Quentin Blake, Gallimard
jeunesse, folio junior, 2016, 115 p. cat.42
Dahl Roald, Le Doigt magique, traduit de
l’anglais par Marie Saint-Dizier et Raymond Farré, illustré par Quentin Blake,
Gallimard jeunesse, folio cadet, 2016, 66 p. cat.7
Roald
Dahl, le géant de la littérature jeunesse, Lire-Gallimard jeunesse, 2016, 115 p. 16€50
Il y a cent années, naissait
Roald Dahl (13/09/1916-1990) qui s’est raconté dans Moi Boy. Son œuvre est
multiple, changeante tout en conservant des fils directeurs comme la nourriture
(pensons au rôle des recettes de cuisine dans La Poudre à
boutons et autres secrets mirobolants), la drôlerie, le voyage, les
situations cocasses, enfin l’insolite plus que le fantastique. Roald
Dahl, le géant de la littérature jeunesse présente une biographie, un catalogue
raisonné de l’œuvre, de nombreux témoignages d’écrivains contemporains sur Dahl
ou leur rapport à son œuvre.
C’est avec James et la grosse pêche (1961) que Dahl voit s’ouvrir le chemin
de la littérature, car l’ouvrage est un gros succès de librairie. Des
invariants de l’œuvre s’y rencontrent : situations insolites, propos bâtis
sur une argumentation, accueil empathique de l’univers enfantin et beaucoup
d’humour, souvent noir. Matilda, récit paru en 1988, voit
Dahl user de la description dans le but de camper un personnage repoussant. Le
livre est devenu un classique parmi les classiques pour les enfants de fin
d’école primaire, au même titre que Charlie et la Chocolaterie
pour les préadolescents. C’est une satire sociale qui vise le conservatisme
anglo-saxon avec son déterminisme social transposant la lutte pour l’existence
du monde animal au monde humain. Ce livre porte une grande espérance, celle que
la volonté de domination qui gouverne les rapports humains dans la société
adulte n’est pas naturelle. Le récit tend à montrer que l’enfance a d’autres
formes de relations sociales à explorer, qu’elle peut, seule, en tenter
l’expérience à condition de se révolter contre la conformité de l’univers des
adultes. Il y a une charge vraiment subversive de Dahl : débrider les
enfants pour qu’ils inventent un nouveau monde. De ce dernier, évidemment, il
ne dit rien car, lui, n’est pas un enfant. C’est donc un passeur d’autorisation
spéciale à rompre avec le réel oppressant.
S’il inclut les sorcières chères
aux contes, il en fait des personnages, comme il va aller interroger la figure
des géants dans Le BGG. Cette déterritorialisation des figures emblématiques
classiques et traditionnelles, s’accompagne, chez Dahl, d’une recherche
lexicale où abondent les néologismes. Son traducteur essentiel, Jean-François
Ménard, dit avoir établi « un
lexique avec tous les mots que Dahl a inventés » (1) pour traduire Le BGG.
Ce vocabulaire poétique de la dérision, c’est le fameux Gobblefink.
Parler de Dahl est incomplet si
on ne dit rien de Quentin Blake qui, à partir des années mille neuf cent soixante-dix,
devient son illustrateur attitré. A cette époque, Blake était déjà connu pour
ses illustrations d’œuvres destinées à l’enfance. C’est son éditeur, devenu
éditeur de Dahl, qui a proposé à Roald Dahl « d’écrire un texte pour un album illustré, ce qu’il n’avait encore
jamais fait » (2). L’écrivain et le dessinateur ont alors travaillé
ensemble, se sont liés d’une amitié qui n’a jamais été prise en défaut. Le
trait d’encre de Blake et son usage de l’aquarelle silhouettent les personnages
et les paysages plus qu’ils ne les représentent. Ils s’harmonisent ainsi avec
la liberté floutée de l’univers construit par l’écrivain. Dahl use de la
caricature et c’est là que le rencontre avec Blake est la plus évidente. Dahl
exagère les traits humains pour installer l’humour au poste de commande de son
œuvre.
Or, cet humour permet de rendre
crédible les aventures abrancadabrantesques des personnages, comme, par
exemple, dans La
Potion magique de Georges Bouillon (1981).
Entre autobiographie (Escadrille 80, Moi, Boy), conte de fée (Matilda),
récit de l’insolite (James et la grosse pêche, La Poudre à boutons et autres secrets mirobolants avec un
chapitre inédit de Charlie et la Chocolaterie …), Roald Dahl est un écrivain de mésaventures
humoristiques, un créateur de contes cruels à mourir de rire, un encenseur des
défauts comme preuve d’humanité de la personne, un auteur dont l’œuvre pour la
jeunesse parle aussi, souvent distinctement, aux adultes.
Philippe Geneste
(1) Dans son entretien avec Estelle
Lenartowicz, dans Roald Dahl, le géant de la littérature jeunesse (…) p.13
(2) Quentin Blake dans son
entretien avec Julien Bisson dans Roald Dahl, le géant de la littérature
jeunesse (…) p.38. Le livre en question est L’énorme crocodile publié en 1978.