CaliT David, Un Papa sur mesure, illustrations Anna
Laura Cantone, Gallimard
jeunesse, collection l’heure des
histoires, 2016, 32 p. 4€90 (1ère édition sarbacane 2004)
Les dessins exécutés dans la
tradition des comix, les couleurs chatoyantes et gaies, les personnages
grotesques suscitant le rire, accompagnent un texte mélancolique d’une petite
fille sans papa. Elle aimerait bien en avoir un et comme dans notre monde
capitaliste tout s’achète et tout se vend, elle va passer commande. Il est vrai
qu’à l’heure des mères porteuses, on ne voit pas pourquoi ne s’ouvrirait pas un
marché des pères de substitution. Au final, un léger malaise s’instaure une
fois le livre refermé. Le récit ne prend pas assez ses distances avec le
consumérisme ambiant pour qu’on puisse affirmer qu’il n’en reproduit pas un
élan d’adhésion. On nous dira que c’est du second degré… certes ! Mais
pour l’enfant qui lit ? L’humour, aime-t-on dire, soutient le subversif,
mais c’est là une interprétation bien pauvre et peu regardante aux usages
réactionnaires de l’humour. Alors, un bel album !
Ciraolo Simona, Ma Grande Sœur et moi, Gallimard
jeunesse, 2016, 40 p. 15€
Un album sur la relation d’une
petite fille avec sa grande sœur. Une mise en abyme des métamorphoses dont est
faite l’enfance et une exploration joyeuse mais profonde de la relation et de
la complicité sororales. Un bel album illustré avec tendresse et générosité.
Lenain Thierry, Il Faudra, illustrations Olivier Tallec, Gallimard jeunesse, collection l’heure des histoires, 2016, 32 p.
4€90
Ce petit chef d’œuvre est paru,
initialement, en 2004 aux éditions Sarbacane. Le voici repris dans cette
collection d’albums de poche. Les illustrations perdent au rétrécissement du
format, mais quel bel ouvrage ! Olivier Tallec réussit à épouser dans de
nombreuses doubles pages le récit construit sur un dialogue intérieur du jeune
personnage. Thierry Lenain questionne le monde comme il va mal et son
personnage apporte ses enfantines réponses. Ce dialogue intérieur s’avère, à la
toute fin, celui d’un bébé à naître qui va décider de naître pour changer le
monde. Cet album ouvre l’enfant à la réflexion critique sur ce qui l’entoure
aidé par le travail de peinture et de dessins de Tallec. L’approche est à
proprement parler poétique, une poésie proche de Prévert, une poésie sensible
et rageuse à la fois, où l’humour toutefois n’a pas le même rôle. Ici, c’est la
chute de l’album qui porte un éclat de rire, comme pour concasser les paroles
trop sérieuses du réalisme adulte. C’est que tout l’album en a défait la
validité !
Taylor Kressman, Monsieur Pan, traduction de Paul
Paludis, illustrations princesse Camcam,
Autrement, collection fil rouge, 2014,
34 p. 5€20
C’est un très bel album où le
trait du dessin de manga est assoupli par une précise recherche de détails et
par le dialogue érudit des couleurs. Ce livre peut être lu aux enfants petits,
en revanche, la lecture en autonomie ne peut en être faite qu’à partir de dix
ans. C’est tout l’intérêt de l’album que de pouvoir diversifier son lectorat en
fonction des modalités même de la lecture pratiquée.
Le récit est celui d’un vieil
homme obnubilé par la mort. Il va devoir apprendre à vivre à travers des
enfants qui vont l’obliger, par leur présence seule, à s’occuper d’autre chose
que de lui-même. C’est ainsi dans le rapport au monde et aux autres que le
bonheur peut être trouvé. L’égoïsme ratiocine les esprits et les cœurs.
Kressman Taylor, écrit avec densité, comme on le sait, ne baissant aucune de
ses exigences d’écriture sous prétexte d’écrire pour l’enfance. C’est aussi,
cette rigueur d’écriture qui explique le large éventail du lectorat auquel s’adresse
l’album. Qu’Autrement nous offre là un petit chef d’œuvre de littérature
destinée aux enfants ne fait pas l’ombre d’un doute.
Ben
Kemoun Hubert, Fonce petit
Paul ! Illustrations de Charlotte des Ligneris, Nathan, 2016, 32 p. 10€
Une trame simple : un enfant
veut offrir un foulard à son amie. Le foulard s’envole alors qu’il attend
celle-ci. Il se précipite à sa poursuite. Péripéties multiples, humour, beauté
graphique des illustrations de Charlotte des Ligneris. Enfin, le foulard
rattrapé, mais en bien triste état, le foulard offert en belle amitié ! L’album
invite à suivre ses rêves, pour le plaisir, pour se donner courage, pour vivre
un instant ce qu’on n’est pas, juste un instant, pour faire semblant. Et puis
faire un cadeau, pour combattre une solitude et trouver l’altérité : non
pas par l’objet mais par le geste.
Philippe Geneste