BRISSOT,
Camille, La Maison des
reflets, Paris, Editions Syros, 2017, 344 p., ISBN : 9782748523249,
16,95 €
Résumé détaillé de l’histoire :
Daniel
est un adolescent de 15 ans dont le grand-père, Edouard Edelweiss, aujourd’hui
décédé, a fondé la plus célèbre des « Maisons
de départ », la Maison Edelweiss.
Petro, le père de Daniel, en est l’actuel directeur et travaille des heures
durant dans son atelier afin de re-créer le plus fidèlement possible des
« reflets » de personnes décédées,
à la demande des familles. Les reflets sont en quatre dimensions et
reproduisent au mieux le physique de la personne mais également son caractère. La
Maison Edelweiss abrite ainsi environ
250 reflets, dont celui d’Edouard Edelweiss, et connaît un succès fulgurant. Des
visiteurs passent régulièrement voir l’un de leur proche décédé, qui n’apparaît
que lorsqu’on l’appelle par son prénom et avec un matériel adéquat (lentilles
3D, oreillettes…). Dans des salons de réception ultra-modernes équipés de
panneaux 3D, ils peuvent choisir le décor de leur choix grâce à un écran de
commande (plage tropicale, petit chalet, jardin fleuri…) pour converser avec
leur reflet.
Pourtant,
dans cette Maison futuriste, qui est aussi la sienne, le quotidien du jeune
Daniel est empli de solitude. Son père est très absorbé par son travail et Mme
Elia, sa gouvernante, ne lui prodigue que des leçons ennuyeuses. Ses meilleurs
amis sont des reflets : Matthias et Mona, deux jeunes gens d’une vingtaine
d’années, et Elliot, un enfant de 8 ans. Si lorsqu’il était plus jeune Daniel
adorait Elliot, il se détache un peu de lui. En effet, les reflets ne
grandissent et ne vieillissent pas. L’objectif des Maisons de départ est
d’aider les visiteurs à accepter la mort d’un proche, à apaiser leur chagrin ou
à dire au revoir au défunt, mais non d’oublier le décès. C’est pour cela que
les particuliers ne peuvent pas avoir de reflets à domicile (sans compter que
cela nécessite un matériel spécial) et que les reflets ne changent pas
physiquement. Un autre reflet très important pour Daniel est celui de sa maman,
qui est décédée lorsqu’il était bébé. Au contraire de son père, vivant mais
trop absent, sa maman, décédée, est présente pour Daniel.
Un
jour, le père de Daniel décide d’impliquer davantage son fils et lui demande de
créer un nouveau décor pour l’un des salons de réception. Enthousiasmé par
cette nouvelle mission, Daniel part pour la première fois hors de la Maison et se rend à la fête foraine de
la ville. La grande roue qu’il a vue au loin lui permet de facilement se
diriger. C’est ainsi qu’il y passe toute une journée et qu’il rencontre
Violette, une jeune fille de son âge dont les parents gèrent l’attraction du
Palais des Glaces. Avec eux et sa sœur jumelle, Esther, Violette voyage de
ville en ville toute l’année. Daniel trouve cette vie fascinante. Lorsqu’il
rentre chez lui le soir, il a de nombreux croquis de son nouveau décor, la fête
foraine, et s’est fait une première amie vivante. Grâce à un visiteur qui
chaque saison traverse le pays pour venir à la Maison Edelweiss et rendre
visite à sa femme décédée, Daniel parvient à correspondre par lettre avec
Violette qui, par choix, n’a pas de téléphone portable. Il attend impatiemment
sa venue en ville l’année suivante.
Mais,
rien ne va se passer comme prévu. Un jour, Daniel apprend par hasard que la
« Cérémonie de la Dernière Nuit »
est annoncée pour son amie Mona. Si la famille du reflet le décide, ce dernier
peut être détruit, de façon irrémédiable, lors de cette Cérémonie. Révolté,
Daniel se confie à Mme Elia qui tente alors de lui expliquer la
différence entre un vrai décès et la Dernière Nuit du reflet. Elle-même a
autrefois refusé que son petit garçon décédé devienne un reflet. Mais Daniel ne
la comprend pas, il a grandi entouré de reflets et, pour lui, ils sont bien
réels.
En outre,
alors qu’il a de moins en moins de nouvelles de Violette, une dernière lettre
lui parvient où elle souhaite arrêter soudainement leur correspondance, sans
donner d’explications. Voyant le désarroi de son fils, Petro demande à Mme
Elia et à Daphné Maris, une journaliste qui écrit des articles sur la Maison,
de localiser la jeune fille. Ensemble, ils partent en voiture pour la
rejoindre. Malheureusement, une fois sur place, Daniel apprend son décès. Peu
de temps plus tard, Esther lui rend visite à la Maison Edelweiss pour lui révéler que Violette était malade depuis
l’enfance. Daniel décide alors de créer le reflet de Violette, à l’aide de son
père, grâce au peu de photos qu’il a d’elle et grâce aux lettres qu’elle lui a
écrites. Il souhaite en faire la surprise à Esther lors de sa prochaine visite.
En attendant, tous deux communiquent beaucoup, par SMS cette fois, et leur
complicité est évidente. Mais le jour où Daniel lui montre le reflet de
Violette, Esther s’enfuit, horrifiée. Daniel la retrouve et elle s’explique
enfin : elle souffre de la perte de sa sœur et a été choquée d’être
soudain face à son double virtuel. Mais, en plus de cela, ce reflet de Violette
ne peut qu’être faussé car, s’il reproduit à la perfection le physique de la
jeune fille, il ne peut pas en reproduire le caractère basé sur la
correspondance épistolaire entre Daniel et elle… En effet, Violette a bien reçu
la première lettre de Daniel mais elle était déjà trop faible pour lui
répondre. Elle a demandé à Esther d’écrire la lettre à sa place. C’était en
fait Esther qui était derrière cette relation épistolaire. Daniel s’en va,
troublé.
Il se confie
à sa maman mais se rend soudain compte qu’elle n’émet pas d’opinion et que quelques-unes
de ses phrases sont les mêmes que celles de certaines visiteuses. Mme Elia
lui explique alors que l’Intelligence Artificielle des reflets, que Daniel
surnomme « la Ruche », est
capable de gérer l’ensemble des reflets de la Maison et s’incarne dans celui de son grand-père. En fait, cette
entité est l’ensemble des reflets de la
Maison, elle évolue afin de rendre les reflets les plus humains possibles. Mme
Elia lui avoue aussi que sa vraie maman est en fait bien vivante mais l’a
abandonné lorsqu’il était bébé. Son père a créé son reflet pour ne pas que son
fils grandisse sans mère. Comme pour le reflet de Violette, le reflet de sa
maman reproduit à la perfection sa beauté physique mais son caractère, en
revanche, n’a rien à voir avec celui de la personne d’origine. Alors que le
reflet est doux et attentionné, sa vraie maman était capricieuse et a abandonné
toute sa famille. Daniel comprend alors ce que Mme Elia a tenté de
lui expliquer auparavant : que les reflets ne contiennent pas l’âme de la
personne. Ils ne sont que des créations, extrêmement bien réalisées. Il prend soudain
conscience que sa Maison est un « manoir
aux illusions », un « Palais
des Glaces ».
Lors de
l’épilogue, Daniel et Esther, réconciliés et très proches, organisent, émus, la
« Cérémonie de la Dernière Nuit » de Violette et de la maman de
Daniel.
Mon avis :
J’ai
adoré ce livre, très bien écrit, et qui raconte une histoire assez poétique. Le
lecteur y entre facilement, les explications sur les reflets sont très claires
et le personnage de la journaliste, Daphné Maris, permet d’avoir, sous la forme
d’articles de presse, des détails techniques sur les reflets, sur l’Intelligence
Artificielle qui les gère et sur l’histoire de la Maison Edelweiss.
Le
narrateur, Daniel, est attachant parce que son histoire est celle d’un jeune
garçon qui se heurte à des désillusions : désillusions sur les reflets,
qu’il considérait comme ses amis, comme des « cadeaux merveilleux » faits aux visiteurs. Mais ils ne sont en
réalité que la représentation d’une personne et sont possédés par une
Intelligence Artificielle. Désillusions aussi sur sa famille avec le fossé qui
existe entre son père et lui, sa maman, qui l’a en fait abandonné et son
grand-père qui, en réalité, ne ressemblait pas du tout au reflet qu’il connaît
de lui. Et, enfin, désillusion en amitié avec la fausse relation épistolaire
entre Violette et lui. Cependant, Daniel comprend son père de mieux en mieux au
fil du roman et Daphné Maris, qui va devenir la petite amie de ce dernier, les
aide à se rapprocher l’un et l’autre. Quant à l’amitié, s’il est malheureux en
apprenant le décès de Violette, il se rapproche d’Esther et se trouve une
nouvelle amie. A la fin du livre, il est prévu que tous deux se rejoignent
pendant l’été pour voyager. Daniel éprouve d’ailleurs le besoin de sortir de la
Maison des reflets pour apprendre ce
que le vrai monde, celui des vivants, a à offrir.
Milena Geneste-Mas