Agard John, Je
m’appelle Livre et je vais vous raconter mon histoire, illustrations
par Neil Packer, Nathan, 2015,
143 p. 13€90
L’écrivain et poète John Agard se
met dans la peau d’un livre qui raconte son histoire. On pourrait résumer
l’ouvrage aux illustrations en noir et blanc stylisées sous la forme d’une
devinette : Qu’est-ce qui, en son commencement, fut minéral ?
Qu’est-ce qui devint végétal ? Puis se transforma en animal ? Et qui,
aujourd’hui est digital ?
Réponse : le livre, bien sûr
qui eut pour support l’argile, puis le
papyrus (byblos) avant de se trouver
sur du parchemin et qui, aujourd’hui, est transporté sur liseuses numériques et
e.book.
Autre devinette : qu’est-ce
qui a commencée tablette et qui retourne aujourd’hui à la tablette, sous
nouvelle forme ?
Le livre d’Agard entre dans le
détail de la tablette (d’argile, heureuse coïncidence des mots), du rouleau, du
codex, de l’imprimerie et de la rotative. Agard conte aussi les grandes étapes
de l’écriture cunéiforme, hiéroglyphique, alphabétique.
Le poète et l’illustratrice content
les mésaventures, les épreuves du feu
qui commencèrent en Chine, se poursuivirent avec les bûchers du Moyen
âge, les codex mayas brûlés au XVIème siècle, les bûchers nazis du
XXème siècle, la bibliothèque de Bagdad ravagée par les flammes en 1991, celle
de Sarajevo en 1992…
C’est un livre qu’on feuillette,
qu’on bouquine (clin d’œil à l’écorce du hêtre (boc en ancien anglais devenu book
et bouquin) feuille à feuille (de
palmier en Inde, de mûrier au Japon, de bananier aux Philippines, de papier
longtemps et encore.
Ce livre est un chef d’œuvre tout
autant qu’un beau livre.
Smith Lane, C’est
un livre, Gallimard jeunesse, 2011, 40 p. 11€
Cet auteur-illustrateur américain
use d’un trait naïf humoristique pour faire l’apologie du livre. La composition
repose sur le dialogue entre un âne et un singe. L’âne utilise l’ordinateur, et
interroge le singe qui lit un livre. De cette confrontation, apparaît d’abord
la multiplicité des usages de l’ordinateur auxquels le livre ne donne pas accès
mais dont il est aussi affranchi (code ‘accès, pseudo identifiant etc.). Peu à
peu, l’âne se prend à l’histoire du livre, c’est celle de l’Île au trésor. On
regrettera, peut-être que l’âne soit mis en position ridicule, stéréotypie bien
mal venue pour cet animal. On s’interrogera, sûrement, sur le rapprochement,
lui aussi stéréotypé, du singe et de l’homme. En revanche, l’historiette engage
de riches débats avec les petits certes mais aussi avec les plus grands. Chaque
mot est chargé d’humour et d’interrogations essentielles ; chaque trait,
chaque détail de l’illustration porte la même charge de riches questionnements.
Cet album est une contribution de la littérature de jeunesse en faveur du livre
de papier ; c’est un manifeste pour une culture du temps, une culture qui
mette de la distance avec l’agitation induite par l’usage des nouveaux médias
et nouvelles technologies de l’information. C’est un livre contre la culture du
clic ; un clin d’œil à une définition du récit comme réalité de durée et
de chronologie imaginaires. L’imaginaire contre le virtuel, en quelque sorte.
Smith, Lane, C’est
un petit livre, Gallimard jeunesse, 2012, 20 p. 6€
Voici un nouveau manifeste pour le livre imprimé à
destination, cette fois, des plus petits. On part du Qu’est-ce que c’est que… ? pour aller à Ca fait quoi ? Ca sert à quoi ? Et la réponse est au bout
du livre, « c’est un livre ».
Philippe Geneste